L'État de l'Automatisation et de l'IA au Québec en 2025 : Ce Que les PME Doivent Savoir

Le Contexte : Pourquoi 2025 Change Tout

La pénurie de main-d'oeuvre est là pour rester

Oubliez les cycles économiques traditionnels. La rareté de travailleurs au Québec n'est plus conjoncturelle — elle est démographique. Le départ massif des baby-boomers crée un vide que ni l'immigration ni les nouvelles générations ne peuvent combler.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes :

• 59 % des PME citent la pénurie de main-d'œuvre comme déclencheur principal de leurs investissements en automatisation (contre 45 % en 2023)

• Hydro-Québec anticipe un besoin de 35 000 travailleurs par année d'ici 2035

• Les régions éloignées sont frappées encore plus durement

La conséquence ? L'automatisation n'est plus une stratégie de réduction de coûts. C'est une stratégie de continuité des opérations.

Le fossé de productivité persiste

La productivité horaire au Québec s'élève à 56,4 $, sous la moyenne canadienne de 59,2 $ et loin derrière les États-Unis. Ce retard limite notre capacité à augmenter les salaires sans sacrifier la compétitivité.

La bonne nouvelle ? 81 % des entreprises ayant automatisé leurs processus rapportent des gains de productivité significatifs. Les PME voient souvent des gains proportionnels plus rapides que les grandes entreprises — médiane de 17 % d'amélioration.

Où en Est l'Adoption de l'automatisation IA au Québec ?

Les chiffres réels (pas le battage médiatique)

Malgré tout le bruit autour de l'IA, la réalité est plus nuancée : seulement 12,2 % des entreprises canadiennes utilisent l'IA pour produire des biens ou services. C'est le double de l'année précédente, mais ça signifie que 87 % des entreprises fonctionnent encore sans.

L'adoption varie drastiquement selon les secteurs :

Secteur	Taux d'adoption
Information et Culture	35,6 %
Services professionnels	31,7 %
Finance et Assurances	10,9 - 20 %
Hébergement et Restauration	1,5 %
Agriculture, Foresterie	1,8 %
Transport et Entreposage	1,8 %

Une particularité québécoise intéressante

36 % des entreprises québécoises utilisent l'IA pour les ventes et le marketing, contre seulement 16 % en Ontario. L'entrepreneur québécois voit d'abord l'IA comme un outil de croissance des revenus avant de la considérer pour la réduction des coûts.

Les Obstacles : Pourquoi les PME Hésitent

Quatre freins majeurs ressortent systématiquement :

1. La barrière financière — 50 % des PME identifient les coûts initiaux comme obstacle principal. Pourtant, 62 % rapportent un ROI en moins de 3 ans.

2. L'absence de vision stratégique — Un tiers des entreprises n'utilisent pas l'IA simplement parce qu'elles n'ont pas identifié de besoins clairs. On n'automatise pas pour automatiser.

3. La maturité des données — L'IA se nourrit de données. Beaucoup de PME souffrent de silos d'information et de fichiers Excel non standardisés.

4. La méconnaissance des aides disponibles — Fait troublant : deux PME sur trois ignorent l'existence des programmes de subvention conçus pour elles.

   
   

   Les Opportunités de Financement en 2025

   Fin du PCAN : Un virage à négocier

Le Programme canadien d'adoption du numérique (PCAN) tire sa révérence. Le Volet 1 (subvention de 2 400 $) a pris fin le 31 mars 2025, et le Volet 2 (prêt de 100 000 $ sans intérêt) n'accepte plus de nouvelles demandes.

Mais le Québec a pris le relais avec des programmes robustes.

ESSOR : Le nouveau pilier

Administré par Investissement Québec, ESSOR est maintenant le guichet incontournable :

• Volet 1 : Subvention couvrant jusqu'à 50 % des dépenses pour le diagnostic numérique (max 20 000 $) et le plan de mise en œuvre (max 50 000 $)

• Mise en œuvre : Prêts à conditions avantageuses pour l'achat d'équipements et l'implantation

Initiative Grand V : Pour les projets d'envergure

Ce programme offre des prêts avec moratoire sur le capital jusqu'à 48 mois — crucial pour les projets d'automatisation où les gains se matérialisent progressivement.

Autres options à considérer

• OTN via l'ADRIQ : Jusqu'à 25 000 $ (50 % des coûts) pour des services-conseils d'experts

• Crédit d'impôt C3i : Pour l'achat de matériel et logiciels

• Fonds C de Desjardins : 25 % du coût des projets, jusqu'à 10 000 $ (cumulable avec les programmes gouvernementaux)

La Loi 25 : Contrainte ou Avantage Concurrentiel ?

Impossible de parler d'IA au Québec sans aborder la Loi 25, l'une des législations les plus strictes en Amérique du Nord sur la protection des données.

Ce que vous devez savoir

Pour toute décision automatisée (filtrage de candidatures, octroi de crédit, tarification), vous devez :

• Informer la personne concernée

• Fournir les renseignements utilisés sur demande

• Offrir la possibilité d'une révision humaine

L'implication concrète

Les modèles d'IA "boîte noire" deviennent risqués pour les décisions critiques. Privilégiez l'IA explicable où la logique peut être auditée et justifiée.

Le retournement stratégique

Plutôt que de voir la Loi 25 comme un fardeau, les entreprises avant-gardistes en font un atout de marque. La conformité devient un argument de confiance client.

Plan d'Action : Par Où Commencer ?

Voici une feuille de route pragmatique pour 2025-2026 :

1. Auditer avant d'automatiser

Ne pas automatiser l'inefficacité. Utilisez les diagnostics subventionnés (ESSOR Volet 1) pour nettoyer vos processus d'abord.

2. Sécuriser le financement maintenant

Avec la fin du PCAN, pivotez rapidement vers les programmes provinciaux. Les enveloppes ne sont pas illimitées.

3. Commencer par l'IA générative

Les outils comme ChatGPT ou Copilot représentent une "automatisation douce" — gains immédiats sans refonte d'infrastructure. C'est souvent la porte d'entrée idéale.

4. Investir dans l'humain

L'outil le plus puissant reste un employé compétent équipé d'une IA, pas l'IA seule. La gestion du changement représente 80 % du succès d'un projet d'automatisation.

5. Faire de la conformité un atout

Intégrez la Loi 25 dès la conception de vos projets. C'est plus simple (et moins coûteux) que de corriger après coup.

Conclusion : L'Opportunité Est Maintenant

Le Québec dispose de tous les atouts : recherche de pointe (Mila, IVADO), programmes de financement robustes, et un écosystème de solutions locales performantes.

Le défi de la pénurie de main-d'œuvre peut devenir une opportunité de modernisation sans précédent — si vous agissez maintenant.

La question n'est plus "devriez-vous automatiser ?" mais "par où commencer ?"